A l’époque où le théâtre est un art sacré, l’acteur porte un masque car il ne saurait se montrer dans sa simple humanité en ce lieu dédié aux dieux. Le masque , en outre, permet d’agrandir les traits et de reconnaître le personnage … de loin . Les masques signalent, signifient la fiction , par le truchement de laquelle on peut parler la Vérité.
Au moment où l’on a fermé les théâtres, où le monde de la culture se regarde disparaître, nous allons tous porter des masques : cet appareil nous rapprochera-t-il de la Vérité ? Ou bien nous embarque-t-il dans la confusion, dans une fiction ?
Cela me rappelle une fable philosophique de Tchouang-Tseu: un jour, le philosophe Tchouang-Tseu s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon volait çà et là puis, fatigué, il s’endormit à son tour et il fit un rêve. Il rêva qu’il était Tchouang-Tseu. À cet instant, Tchouang-Tseu se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Tchouang-Tseu ou bien le Tchouang-Tseu du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus, si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui …
Vivement qu’on rouvre les théâtres !